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14 juin 1807 – Friedland

La bataille

"L'Empereur me dit en souriant : < As-tu bonne mémoire ? - Passable, Sire - Eh bien, quel anniversaire est-ce aujourd'hui, 14 juin ? - Celui de Marengo - Oui, oui, reprit l'Empereur, celui de Marengo, et je vais battre les Russes comme je battis  les Autrichiens ! > " (Marbot)

Ordre de bataille français    Ordre de bataille russe

Prémices

Au lendemain des combats d’Heilsberg (11 juin), la position du russe Bennigsen est devenue bien inconfortable : le maréchal Davout, en effet, avance vers Landsberg, menaçant non seulement  le flanc russe, mais également sa ligne de communication avec Königsberg, où se trouvent ses alliés prussiens, le roi Frédéric-Guillaume III et son épouse Louise, ainsi le gros de ses approvisionnements. Or, les ordres du tsar Alexandre sont formels : il faut tenir Königsberg à tout prix.

Levin August von Bennigsen - Portrait de George Dawe (Palais d'Hiver)
Levin August von Bennigsen – Portrait de George Dawe (Palais d’Hiver)

Bennigsen décide donc d’envoyer la division Kamenskoi pour renforcer la défense de Königsberg, dirigée par le prussien Lestocq. Kamenskoi, passant par Bartenstein et Lamspach, rejoint Lestocq derrière la rivière Frisching, le 13 juin.

De son coté, Bennigsen reste à Heilsberg jusqu’au milieu de la nuit, puis se dirige lui aussi sur Bartenstein., avec le reste de ses troupes, organisées en quatre colonnes, de par et d’autre de l’Alle. Les français –  une division de dragons et deux de cavalerie légère – semblent alors avoir perdu le contact. Après une brève halte à Bartenstein, Bennigsen continue sur Schippenbein où il arrive au milieu de la nuit, le 12 juin.

Mais il de plus en plus est inquiet de se voir tourné, car il sait que Davout continue d’avancer vers Königsberg. De plus ses troupes sont fatiguées, ayant été en perpétuel mouvement ces derniers jours, et ayant du combattre alors que le temps est devenu mauvais, les pluies s’étant faites de plus en plus fréquentes.

Pourtant, point de répit pour elles: Davout est déjà signalé à Domnau, menaçant de plus en plus les communications avec Königsberg. Il faut donc continuer, vers la petite ville de Friedland. De là, on ira sur Allenburg et Wehlau, où l’on pourra traverser la Pregel et, sous sa protection, se diriger vers Königsberg. Pas question, pour l’instant du moins, de s’arrêter pour combattre les Français.

Le 13 juin, l’avant-garde de Bennigsen, sous les ordres du prince Gallitzin, atteint Friedland. Elle trouve dans la ville quelques éléments du 9e de hussards, envoyés par Lannes en reconnaissance, et qui, intelligemment, refuse le combat et se retirent Lannes décide d’avancer avec les grenadiers d’Oudinot, envoyant un aide-de-camp à Grouchy pour lui demander d’accélérer la marche de ses dragons.

Bennigsen arrive lui-même à Friedland à 8 heures du soir. Sa supériorité numérique et l’avantage stratégique de la plaine s’étendant à l’ouest de la ville seront, selon lui, « favorables à la bravoure russe ». Il ordonne donc à l’ensemble de ses forces de le rejoindre, pour être sur place dans la soirée du 13, au plus tard tôt le matin du 14.

Mais Bennigsen, dans sa confiance, ne remarque pas que la position qu’il choisi pour combattre est loin d’être favorable. Par exemple, elle n’est accessible, en venant d’Eylau, que par une seule route, passant par Posthenen (déjà occupé par les grenadiers d’Oudinot). Toutes les autres approches sont parsemées d’obstacles, comme le bois de Sortlack, au sud, ou les marécages, créés par un petit ruisseau (Mühlenfluss), affluent de l’Alle, et ses étangs. Et pour finir, il n’y a, à Friedland même, qu’un seul pont pour traverser la rivière. Trois ponts de pontons vont être rapidement jetés.

Bennigsen n’en a cure. Apprenant que Lannes n’est pas loin, venant de Domnau, il renforce l’avant-garde de Gallitzin avec les premiers éléments d’infanterie qui arrivent.

Gallitzin établi une ligne d’avant poste qui va de Heinrichsdorf à Sortlack, pour couvrir Friedland. à partir de 11 heures du soir, le gros des forces russes arrive à Friedland. Des prisonniers français confirment que ce n’est qu’une division d’infanterie, renforcée de cavalerie, qui s’approche : Bennigsen décide de les attaquer au lever du jour, pendant que le reste de ses troupes se reposera à Friedland. Il fait donc passer ses troupes sur la rive gauche de l’Alle

La gauche russe (quatre divisions de Bagration) est chargée d’occuper la zone située au sud du Mühlenfluss, vers le bois de Sortlack, enjambant ainsi la route d’Eylau. Les trois divisions de Gorchakov forme l’aile droite, au nord du ruisseau, jusqu’au village d’Heinrichsdorf. Pour faciliter les communications entre les deux ailes,  trois ponts de pontons sont rapidement construits sur le Mühlenfluss. Au centre, deux autres corps, qui ont pour mission de se déplacer là ou le besoin s’en fera sentir. Une partie de la Garde Impériale est envoyée à Sortlack, tandis qu’une division reste en réserve sur la route qui mène à Shippenbein, sur la rive droite de l’Alle.

Bennigsen dispose à ce moment d’environ 50.000 hommes. Plus qu’il ne lui en faut, pense-t-il, pour venir à bout de l’avant-garde des français.

Mais il va bientôt revenir de son erreur, et s’apercevoir que les français sont de plus en plus nombreux et qu’il va falloir qu’il renforce lui aussi ses troupes sur la rive gauche de la rivière.

« J’aurais mieux fait de ne pas accepter le combat, qu’il était en mon pouvoir de refuser, car le salut de l’armée n’était pas alors en danger » reconnaîtra-t-il plus tard.

14 juin – une heure du matin

Jean Lannes. D'après Belliard Leipzig 1932
Jean Lannes. D’après Belliard Leipzig 1932

Lannes se présente devant Friedland. Il devine qu’il va être dans une position extrêmement dangereuse pour plusieurs heures, avant que les renforts n’arrivent. Mais ses ordres sont de s’emparer de la ville. Il n’a avec lui que la division des grenadiers d’Oudinot : qu’à cela ne tienne, il les envoie en avant et ceux-ci s’emparent aisément du village de Posthenen, situé au centre du champ de bataille, sans pouvoir cependant continuer plus avant, sans risquer d’être anéantis.

Thoumas : « L’armée russe tout en entière, précédée apr une forte avant-garde de cavalerie et d’artillerie, approchait de Friedland. Il était une heure du matin. Lannes arrivait avec ses grenadiers à Posthenen, au pied des hauteurs qui s’élèvent en face de cette ville »

Oudinot se contente d’envoyer deux bataillons dans le bois de Sortlack, sur la droite, puis, un peu plus tard, trois autres sur Heinrichsdorf. Au centre, une forte ligne de tirailleurs protège le reste des forces d’Oudinot, ainsi que son artillerie..

Bien qu’ayant devant lui une ligne française extrêmement étendue (qu’il ne distingue pas, d’ailleurs, exactement, compte tenu du terrain vallonné et boisé dont Lannes et Oudinot tirent parfaitement parti), Bennigsen semble alors plus préoccupé d’aligner correctement ses propres forces, se contentant d’user de son artillerie, et d’essayer de déloger les français du bois de Sortlack.

Fin tacticien, Lannes sait qu’il doit user d’astuce pour tenir en respect Bennigsen, jusqu’à l’arrivée de Napoléon, qui achèvera de détruire l’armée russe. Il lui faut faire croire à l’ennemi que la victoire est, sinon acquise, du moins à portée de fusil, sans pour autant se faire détruire lui-même. Grouchy et Mortier ont envoyé des messages pour annoncer leur arrivée prochaine, au moins avec leur cavalerie, qui galope en avant.

14 juin – 3 heures du matin

 

Le jour point déjà. Grouchy arrive avec sa division de dragons, qu’il organise sur la gauche d’Oudinot, là où, justement, les russes ont décidé de se saisir d’Heinrichsdorf pour tourner la gauche française. Ils y parviennent presque, mais Grouchy est peu à peu renforcé par l’arrivée des cuirassiers de Nansouty : l’attaque russe est repoussée.

Les renforts français continue d’arriver : c’est au tour de Mortier de se présenter sur les lieux, avec les 6.000 fantassins du général Dupas. Lannes peut maintenant concentrer les forces d’Oudinot devant Posthenen, Dupas remplissant le vide entre ce village et Heinrichsdorf. Et, peu à peu, la supériorité numérique des russes diminue, alors que Lannes peut se contenter de tenir bon sur ses positions.

14 juin – 8 heures du matin

 

La bataille de Friedland
La bataille de Friedland

La division Verdier arrive, Les hommes sont exténués, mais il n’est pas question de repos : ils sont envoyés en soutien des grenadiers d’Oudinot à Posthenen et dans le bois de Sortlack, où la poussée des russes commence à se faire sentir.

Lannes a maintenant 25.000 hommes sous ses ordres, et d’autres sont en chemin. Bennigsen s’est bien aperçu de l’arrivée de ces renforts, mais il ne semble pas en être troublé. Il pense toujours pouvoir tenir devant Friedland jusqu’à la nuit, et ensuite disparaître dans l’obscurité. D’ailleurs, les combats semblent avoir diminué d’intensité, sauf aux extrémités, à Sortlack et Heinrichsdorf. Et son artillerie continue de pilonner les troupes de Lannes.

14 juin – 11 heures du matin

 

Les combats semblent diminuer d’intensité. Les français sont maîtres des principaux points d’appui du terrain, à Heinrichsdorf, Posthenen et Sortlack. En face, Bennigsen a les 1e et 2e divisions, et l’avant garde, entre le ruisseau qui conduit à Friedland et le bois de Sortlack. Le gros de son armée (3e, 6e, 7e, 8e divisions – prince Gortschakow – ainsi que la cavalerie – prince Gallitzin et général Uvarov), s’étend sur l’autre rive du ruisseau, faisant face à la cavalerie de Grouchy et l’infanterie de Mortier. Les russes ont encore une division d’infanterie sur la rive droite de l’Alle, ainsi que de l’artillerie. Car cette rive domine les environs, offrant aux canonniers une portée plus efficace.

De trois heures du matin, Lannes et Oudinot avaient envoyé aide-de-camp après aide-de-camp au quartier général de Napoléon, à Eylau, réclamant du renfort. Celui-ci ne se décidait pas, voulant attendre l’évolution des combats. Oudinot perd patience, et mande à l’empereur « Même mes yeux (on sait qu’il portait des lunettes) peuvent voir que c’est toute l’armée russe qui est devant nous ! »

"Le 14 juin au matin, nous apprîmes qu#une grande bataille était engagée sur les bords de l'Alle. Tous les corps de l'armée s'avançaient dans cette direction; nous reçûmes l'ordre de nous y porter en toute hâte" (Coignet)

14 juin – midi

 

Napoléon arrive enfin, le reste de la Grande Armée suivant à moins de deux heures.

"L'Empereur, en observation sur une hauteur d'où sa vue pouvait embrasser tout le champ de bataille, était assis dans un fauteuil près d'un moulin, et son état-major l'entourait. Jamais je ne l'avais vu si gai; il causait avec les généraux qui attendaient ses ordres, et semblait prendre plaisir à manger du pain noir russe fait en forme de brique." (Constant)

"Il était plus de onze heures, lorsque l'Empereur arriva sur le champ de bataille, où plusieurs corps d'armée étaient déjà venus se joindre à Lannes et Mortier. Les autres, ainsi que la garde, arrivaient successivement." (Marbot)

Son plan est déjà établi : il va lancer une attaque générale contre les russes, et Ney sera chargé de donner le coup de grâce, par la droite.

"Napoléon rectifia la ligne : Ney format la droite placée dans le bois de Sortlack; Lannes et Mortier , le centre entre Posthenen et Heinrichsdorf; la gauche se prolongeait au-delà de ce village" (Marbot)

"Le maréchal Ney occupait la droite du champ de bataille ; à sa gauche, en échelons, était le corps du général Victor (note : il remplace Bernadotte, blessé quelques jours avant dans une escarmouche); à la gauche de celui-ci était le maréchal Mortier et à la gauche de Mortier était le maréchal Lannes. En deuxième ligne, au centre, était la Garde" (Savary)

"Les corps d'armée prirent successivement place sur la ligne de bataille, à mesure de leur arrivée, ce qui fut long, car nous marchions sur une seule route, et la Garde fut placée en deuxième ligne". (Boulart)

La bataille de Friedland - Vernet (YouTube)
La bataille de Friedland -Vernet (YouTube)

Napoléon décide qu’au signal donné par vingt-cinq pièces tirant à la fois donnera le signal de l’attaque générale. En attendant, les troupes étant exténuées (il fait très chaud), il les laisse prendre un peu de repos.

"L'empereur nous donna une heure de repos, pendant laquelle le combat se ralentit peu à peu. Il en profita pour visiter nos lignes, revint au galop près de nous, changea de cheval et donna le signal d'une charge à outrance sur l'armée russe. Il s'agissait encore de lui faire prendre un bain, non dans la glace, comme à Austerlitz, mais dans les flots de l'Alle." (Coignet)

14 juin – 17 heures 

Positions des belligérants
Positions des belligérants

Une salve qui se fait entendre du coté français ne laisse aucun doute: les combats reprennent.

"L'ordre d'attaquer donné par l'Empereur est resté classique : il fut suivi de point en point. Lorsqu'à cinq heures une batterie de vingt pièces, établie au-dessus de Posthenen, donna le signal la reprise du combat, Ney marcha sur Friedland...(Ney) conduisit l'attaque avec le sang-froid et l'intrépidité qui le caractérisent... s'occupant des moindres détails, " (Thoumas)

"Il était environ cinq heures de l'après-midi, l'armée était formée, chacun à son poste; une vive canonnade annonça que l'action commençait." (Boulart)

"Enfin arriva l'ordre d'attaquer. Tous les soldats se levèrent en criant < Vive l'Empereur ! En avant ! A Friedland ! En avant . Notre artillerie commença son feu, et les cent pièces de canon ennemies, vomissant les obus et la mitraille, firent sauter nos caissons ; la fumée nous couvrait et masquait à nos yeux les masses déployées. Le maréchal Ney ordonna la marche en avant en bataille, l'arme au bras : les boîtes à mitraille, éclataient sur nos têtes et faisaient un cliquetis affreux dans les fusils élevés; les officiers excitaient les soldats et les poussaient en criant « En avant ! en avant ! » Dans cette marche et dans cette fumée, la 3e division, commandée par le général Bisson, obliqua trop à droite et laissa ainsi un intervalle dans lequel la cavalerie du grand-duc Constantin pénétra en sabrant et la mettant en déroute. D'autres régiments obliquant aussi trop à droite, le maréchal m'ordonna de les faire appuyer à gauche. Je cours à l'un d'eux : « Appuyez à gauche, dis-je au colonel, faites appuyer à gauche. » Mais pendant que je lui parle, un boulet l'enlève. Un commandant met aussitôt son chapeau au bout de l'épée en criant « Vive l'Empereur ! En avant ! » Un second coup arrive et le commandant tombe sur les genoux, les deux jambes coupées. Un capitaine succède et fait à grand-peine exécuter le même mouvement. Enfin, le maréchal Ney, ayant poussé ainsi ces braves jusqu'à vingt pas des canons ennemis, fit faire sur eux un feux nourri qui tua presque tous les canonniers sur leurs pièces, et, continuant notre marche précipitée, nous refoulâmes l'ennemi dans la ville." (Levqavasseur)

"Après que l'Empereur a vu que l'ennemi tenait ferme, il fait engager dans tous les points, comme il désirait. Il fait venir au même moment, le maréchal Ney, il lui ordonne qu'il prenne cette division et qu'il marche, au pas de charge, sur le pont qui se trouvait derrière la ville, et les deux autres divisions soutiendront par la droite. Le maréchal dit à l'Empereur . « Oui, Sire, je vais exécuter les ordres de Votre Majesté, et Elle sera satisfaite, l'espère. » (Roustan)

"Il prend sa division et marcha directement sur le pont, en  traversant dans la ville. Il a arrivé à son but et fait mettre le feu au pont. Voilà donc l'armée de l'ennemi coupée en deux. Celle de la droite était presque détruite par le maréchal Ney." (Roustan)

Le maréchal Ney
Le maréchal Ney

Le VIe corps (Ney) s’élance du bois de Sortlack. Sans même se déployer, la colonne de droite (Marchand) marche sur le village, mais les batteries russes lui infligent de lourdes pertes. L’autre (Bisson), marche directement sur Friedland, mais est interceptée par la cavalerie de Bagration. Elle est sévèrement repoussée, doit reculer, emportant dans sa fuite une partie des hommes de Marchand.

Mais les renforts français ne font pas défaut : les dragons de Latour Maubourg sont envoyés contre la cavalerie russe, la division Dupont venant soutenir les troupes de Ney. Par dessus tout, le général Sénarmont et ses artilleurs, approche ses pièces au plus près de la ligne russe, ignorant leur feu, avec une folle audace qui étonne Napoléon lui-même,  déversant un déluge de feu, et faisant taire l’artillerie russe et rebrousser chemin à la cavalerie qui essayait de les faire taire.

C’est en fait le première exemple d’utilisation combinée de la masse de feu et de sa mobilité, dont on retrouvera des exemples à Wagram, à Lutzen.

Le général Senarmont
Le général Senarmont

Les pertes de l’ennemi sont énormes : près de 4.000 hommes restent sur le terrain. Bagration se replie dans Friedland, poursuivi par le 6e corps, qui, entre-temps, s’est rallié.

Bennigsen a vu le désastre se produire. Il espère encore dans la Garde Impériale. Il la lance contre les batteries de Sénarmont, mais celles-ci sont rapidement dirigées contre cette nouvelle attaque, qu’elles stoppent en deux salves, l’infanterie de Dupont recevant même son homologue de la Garde Impériale à la baïonnette, l’obligeant à repasser le ruisseau qu’elle avait dû traverser. Continuant sur sa lancée, elle pénètre dans Friedland par la route de Königsberg. pendant que Sénarmont continue son pilonnage, maintenant sur et autour de Friedland.

Après un rude combat de rue, Friedland, en flammes, tombe aux mains des français. Ce qui reste des troupes de Bagration, a commencé sa retraite les ponts, que le général russe fait ensuite incendier

Sur la droite russe, Bennigsen, ignorant que les ponts sont désormais inutilisables, avait ordonné à Gortshakow d’attaquer de nouveau Friedland. Deux divisions russes attaquent le village à la baïonnette, y pénètrent, mais ne peuvent bien sûr pas franchir la rivière. Par chance, les russes trouvent un gué, en face de Kloschenen. C’est la chance inespérée pour sauver ce qui peut encore l’être. Malgré les difficultés et l’artillerie française qui continue de tonner, et sous la protection de sa cavalerie, Bennigsen fait passer son artillerie, puis son infanterie. Une partie de la cavalerie trouve son chemin sur la rive gauche de l’Alle, les cavaliers de Grouchy étant trop fatigués pour les en empêcher.

La bataille de Friedland est terminée. Les pertes russes sont énormes : probablement 12.000 hommes et 80 canons. Mais Napoléon a perdu 8.000 soldats.

"Cette mémorable bataille ne finit que fort tard à la lueur de l'incendie de Friedland. Les Russes profitèrent de la nuit pour décamper au plus vite. Notre Empereur, selon son habitude, coucha sur le champ de bataille, et s'occupa de faire soigner les blessés." (Coignet)

Napoléon passe la nuit sur le champ de bataille.

"Sa Majesté alla complimenter plusieurs régiments qui s'étaient battus toute la journée. Quelques paroles, un sourire, un salut de la main, un signe de tête suffisait pour récompenser les braves gens qui venaient de vaincre" (Constant)

"Nous apprenons que l'Empereur a battu complètement l'ennemi qui a laissé sur le champ de bataille 6.000 morts et 80 pièces de canon. Hélas, où étions-nous !" (note : Tascher est alors à Königsberg)

Berthier rend vite éloge à Ney, qui a conduit l’attaque principale : « Tu ne peux t’imaginer le merveilleux courage du maréchal Ney. C’est à lui que nous devons tous les résultats de cette journée mémorable. »

Le 17 juin, Lannes, dont l’action décisive durant cette journée va être curieusement négligée dans le Bulletin, écrit à sa femme :

"Nous avons eu une bataille comme il n'y en a jamais eu. Il est incroyable le peu de monde que nous avons perdu et incroyable ce que les russes ont laissé sur le champ de bataille. On évalue leurs pertes à vingt mille hommes. Je me suis battu avec mon corps d'armée depuis une heure du matin jusqu'à huit heures du soir, sans perdre un pouce de terrain. Enfin, ma chère Louise, mes troupes se sont couvertes de gloire."

Le même jour, le général Guyot écrit, lui aussi, à son épouse :

"Le 6 nous quittâmes nos cantonnements pour marcher à l'ennemi. Nous le trouvâmes le 10 à Heilsberg où il reçut la meilleure frottée, perdit beaucoup de monde et se retira sur Bartenstine tandis que nous marchâmes directement sur Preuss-Eylau; le 14 notre armée rencontra de nouveau 80,000 Russes à Friedland petite jolie ville sur la Aller. Là, après avoir manœuvré toute la journée devant eux notre ligne fut formée à 6 heures 1/2 du soir et ensuite l'ordre d'attaque fut donné; c'est alors qu'il fallait voir la rapidité avec laquelle toute l'armée française fondit sur les Russes, la mitraille, les baïonnettes, les balles, les coups de sabre, lances, boulets, obus etc. tout pleuvait comme grêle sur ces malheureux Russes qui en une heure perdirent à peu près 20,000 hommes tant tués que blessés, noyés etc. et 40 pièces de canon prises etc.; j'étais pendant ce temps-là spectateur de la ligne de la Garde et qui outrepassaient l'Empereur; mais après l'orage vient le printemps, ces messieurs se sont retirés en grande hâte et depuis ce temps-là nous ne cessons de les harceler dans leur fuite, il en est résulté la prise de Königsberg, le passage de la Pregel etc..."

Quant à Napoléon, il mande à Joséphine :

"... Mes enfants ont dignement célébré l'anniversaire de la bataille de Marengo. La bataille de Friedland sera aussi célèbre et aussi glorieuse pour mon peuple. Toute l'armée russe mise en déroute... C'est la digne sœur de Marengo, Austerlitz, Iéna."

(correspondance de Napoléon)

 

Une nouvelle aventure de Marbot

 

Les lieux de Mémoire

Les sites de la campagne de 1807 se trouvent sur le territoire de l’enclave russe de Kaliningrad (ancienne Königsberg), et sont accessibles à partir  soit de la Lituanie, soit de la Pologne.  La ville de Friedland s’appelle maintenant Pravdinsk

Les photos présentées ici ont été prises lors d’un voyage organisé, du 22 au 27 mai 2001, par la Délégation de Provence Côte d’Azur du Souvenir Napoléonien.

Panorama du champ de bataille

Panorama du champ de bataille de Friedland
Panorama du champ de bataille de Friedland

L’église de Friedland

Du clocher, qui servit d’observatoire à l’empereur Alexandre (cf Mémoires du général Dellard)
superbe vue sur le champ de bataille

L’Alle

La rivière Alle traverse Friedland, et on la franchit sur un pont, moderne, situé vraisemblablement un peu en amont de ceux qui furent installés par Bennigsen. La vieille ville se cache à l’abri d’une grande boucle de la rivière.

On peut avoir une jolie vue sur la ville, en traversant l’actuel pont pour aller sur la rive oposée. Tourner à gauche après le pont et monter jusqu’au sommet de la petite côte.

Maison de Napoléon

L’empereur coucha dans cette maison (sur la place principale), au soir de la bataille.

 

Le gué de Kloschenen (aujourd’hui Lukino)

Sortir de Friedland par la route qui longe l’Alle, en direction de Welhau. L’ancien gué de Kloschenen, qui permit à une partie des troupes russes d’échapper à l’étau des français, se trouve à environ un kilomètre de Friedland. Rejoindre le bord de l’Alle par un petit sentier.

 

Les étangs

Depuis le parc où se trouve le monument Mazowski, on aperçoit les étangs, dans lesquels une partie des soldats russes furent repoussés

Le monument Mazowski

Devant le porche principal de l’église, au delà de la petite place, se trouve un parc. L’allée de droite mène au monument élevé, par le tsar Alexandre II, à la mémoire du major-général Mazowski, qui trouva la mort durant la bataille.

(La stèle porte, de façon erronée, le nom de Makowski)

 

La fosse commune

Au numéro 16 de la rue Kutusov (Kutosova), un monument a été érigé sur l’emplacement de la fosse commune de soldats russes tués pendant la bataille. Une plaque porte l’inscription russe : « Fosse commune pour les soldats russes tombés sur le champ de bataille à côté de Friedland – 14 juin 1807. » Une plaque en français avait, lors de notre visite, malheureusement disparu.